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  • Photo du rédacteurGwenn

RENDEZ-VOUS FRENETIQUES​

Les trois derniers coups s’annoncent. Ils résonneront à jamais dans ma tête. C’est ma dernière soirée face à ce public qui m’attend, qui m’acclame. Il faut que je respire profondément. Il va m’aider, je lui ai déjà demandé, ce soir j’en ai vraiment besoin.

J’essaie de regarder discrètement sur les côtés de la scène et pousse donc l’épais rideau rouge sanglant qui nous fait tous rêver.

Combien de fois nous sommes-nous retrouvés les soirs de final enroulés dans ce tissu de velours…? Nous ne faisions plus qu’un, nous étions en totale fusion… Ce soir va être différent…

J’aperçois au premier rang le directeur du théâtre, à ses cotés son épouse. Oh… même Rachel Spitz est là ! Cette étonnante comédienne a un talent fou et est pourtant en tournée depuis 18 mois à travers la France, sa pièce « Cœur à prendre » est un véritable petit bijou, un succès sans nom.

Serai-je jalouse ? Non il m’en faudrait plus.

Mais ce soir où es-tu ?

Tu devrais être là au premier rang, je ne te vois pas. Tu ne peux pas me faire ça ce soir, ne m’abandonne pas. Te rappelles-tu ma tournée lorsque je jouais sur les scènes de plein air les soirs d’été en Provence ? J’étais brûlante, un vrai feu ardent, tu ne pouvais l’éteindre et d’ailleurs le voulais-je ?

Je ne cessais de fermer les yeux alors que tu t’emparais de mon corps. Nous chavirions ensemble, ne faisant plus qu’un.

Tes caresses m’enivraient, je frissonnais de désir, tu réussissais toujours par me faire oublier mes foulées sur les planches.

LUI seul savait m’enflammer.

J’avais besoin et envie de ses caresses brutales là maintenant, tout de suite.

Il fallait que je m’isole, je ne pouvais entrer en scène dans cet état.

Me voici dans ma loge, sa lumière tamisée m’aide petit à petit à faire le vide et soudainement un souffle chaud arrive sur ma nuque, le voici enfin.

Les yeux fermés, mon corps commence à se détendre, je tremble, c’est bon signe, signe que tout mon être est en émoi, à l’écoute et désire cette union pour enfin retrouver l’harmonie, la sérénité.

Je me laisse faire, il me porte, me dompte et m’enivre. Il sait parfaitement y faire, je me laisse guider. Son souffle est torride et me chatouille, mes tétons se durcissent, mes hanches se cabrent, ma respiration devient haletante, doucement la transe m’envahit et c’est l’extase.

Je m’évanouis de fatigue, de bonheur furtif, mais Dieu que c’était bon.

Un hurlement me réveillait et me rappela à l’ordre… Catherine, ma costumière se demandait ce que je faisais et me cherchait partout en criant mon prénom, je ne pouvais la laisser entrer dans ma loge, elle risquait de LE voir. Je me retournais et constatais qu’IL s’était enfui aussi vite qu’il était apparu tout à l’heure… IL devait être pressé de me voir sur scène.

Il est temps de revêtir mon costume, mon masque de la soirée, mon personnage de scène.

Je relève en vitesse mes jupons et change immédiatement ma culotte mouillée contre une culotte sèche, je vais même jusqu’à prendre un string bleu nuit afin de bien montrer le contraste de mon costume de nonne et celui de ma vie de tous les jours.

C’est le moment d’entrer en scène, mon cœur s’emballe comme d’habitude, je pense à toi, comme d’habitude… Pourquoi ne pas penser à Henry, l’homme de mes jours et de mes nuits, Henry que j’aime depuis maintenant 15 ans ?

J’essaie cependant d’imaginer mon Henry sur le canapé du salon à m’attendre bien sagement alors que nos enfants dorment…

Je monte sur les planches, je suis complètement aveuglée par les feux de la rampe, les projecteurs m’éblouissent.

Mon dialogue commence avec José, le jardinier du Carmel. C’est parti, mon rôle est endossé pour une heure vingt-cinq sans entracte.

Je me sentais comme protégée et essayais de distinguer quelques visages… Je me livrais à eux et donnais tout ce que j’avais en moi, une réelle communion entre le public et moi s’installait. Je jouissais littéralement.

A peine avais-je fini mon dernier mot que les applaudissements ne cessèrent de croître. Cette dernière était parfaite, pas un faux pas. J’avais hâte de me retrouver seule dans ma loge, enfin pas tout à fait seule d’ailleurs, je savais qu’Il serait là, qu’Il m’envelopperait de toute sa force. Je ne pouvais m’échapper déjà, je devais affronter mes aficionados, la presse… je n’en pouvais plus… Je voulais LE remercier d’être à mes côtés, j’avais besoin de sentir mon corps exploser, de sentir le vide, d’être dans un état second.

« Ô temps suspends ton vol… »

Soudainement je me mets à vaciller, la magie agissait enfin, je ne pouvais maitriser mes émotions, la chaleur m’envahissait et je pouvais à présent prétexter un retour dans ma loge. Je me fichais bien des quand dira-t-on.

Vite, je filais hâtivement et vertigineusement vers l’objet de tous mes désirs et décidais de m’enivrer, de me saouler de son nectar. Je fermais la porte à clé et clamais de rester seule sans être dérangée.

J’allumais mon lecteur de CD et décidais d’écouter Agnès Obel. Je me déshabillais lentement et ne gardais que mon string et mon soutien-gorge. Je m’allongeais sur le divan et attendais l’instant propice, je fermais les yeux. Mon corps commençait à se contracter, je sentais sa présence, mon désir montait doucement, j’avais tellement envie de m’abandonner, de tout lui donner, il fallait qu’il me possède. La gourmandise s’emparait de moi, la sensualité n’est pas un vilain défaut, il faut juste savoir s’arrêter à temps afin d’en apprécier la saveur. C’est là où commence le plaisir.

Je commençais à sentir ses caresses sur ma poitrine, ses baisers ensorcelants m’envoutaient. IL dessinait mes courbes, je sentais son souffle tiède, je frissonnais, mon désir d’érotisme arrivait à son paroxysme et la volupté en était son bouquet final, l’apothéose… L’orgasme des profondeurs. J’ondulais telle une couleuvre sur le sable brûlant, je mordillais mes doigts et frémissais, mes hanches allaient et venaient, je ne contrôlais plus mes spasmes saccadés.

IL me dirigeait, savait tout de moi, de mes désirs, de mes pulsions, je devenais une femme soumise et totalement dévouée sexuellement. Le libertinage prenait le dessus, j’étais heureuse, fatiguée, vidée et m’endormais quelques instants, je l’avais remercié d’être venu à nouveau me voir, m’habiter un dernier soir…

C’était ma dernière représentation et je crois que je peux dire que je n’ai jamais été autant en communion avec LUI, il m’était fidèle, je lui étais également fidèle à ma façon, il était mon amant hors pair, mon compagnon de plaisirs.

Je pris conscience ce soir-là qu’il ne me quitterait jamais.

Il est en moi et je l’accueille avec frénésie à chaque rencontre. Ces rendez vous sont et seront incontournables. Il mobilise mes énergies, il me fait me dépasser à chaque représentation. Il est si proche et si lointain de moi à la fois…

Mais qui est-il ??? L’amant de ma loge, mon amant masqué, Lui seul me fait vibrer, lui seul sait attiser les braises naissantes quasi ardentes qui séjournent sur mon mont de Vénus, lui seul sait me faire sortir de mes gonds, me faire jouir grâce à ses allers et venues incessantes dans mon antre d’amour, c’est tout un art de rentrer en relation, j’aime gémir de plaisir, j’aime quand ma respiration est entrecoupée de râles expiratoires et enfin un ultime sourire quand le plaisir est arrivé, quand il est devenu jubilatoire…

Qui me procure de telles sensations, de telles émotions, qui… ou quoi… ???

C’est en lisant Sarah Bernhardt quelques années auparavant que je compris une chose, plus exactement deux choses (qui n’en faisaient qu’une) qu’il me fallait cet amant de loge et qu’il fallait que je me laisse pénétrer avant chaque représentation sans LE voir, il demeurait et demeurerait l’amant masqué.

C’est Elle qui avait dit à une de ses élèves qui se plaignait de ne pas le connaître qu’il viendrait quand elle rencontrerait le talent…

En toute humilité, je dois le dire… il est charmant et je ne désire en aucun cas le perdre, je resterai donc talen…tueuse, chacun le sien, je l’aime trop pour le partager… si un jour il me quitte je ne le supporterais pas, il ne me restera plus qu’à mourir de plaisir sur scène tel Jean-Baptiste Poquelin…

Trois consonnes, une voyelle c’est le prénom de mon Eros

L’avez-vous reconnu ce bel inconnu qui vous connaît par cœur… qui a la trique et moi le trac ?

Oups… je vous ai donné son nom…

FIN...




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