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DE L’ERE ADULTE A L’ADULTERE






TITOUAN ET MAIWENN

Je fermai les volets de notre chambre et repensais au merveilleux moment passé avec nos amis ce soir-là.

Maïwenn, ma «formidable» épouse m’avait concocté un anniversaire surprise pour célébrer mes 50 ans.

Quelle bonne idée... Elle avait réussi à rassembler nos amis, mes amis de jeunesse, de célibataire sans se douter qu’elle raviverait en moi une flamme.

Nous nous couchâmes donc éreintés après avoir rangé rapidement les victuailles restantes dans le réfrigérateur. Nous ferions le reste le lendemain.


Maïwenn se rapprocha de moi et m’embrassa langoureusement. Son corps doux et chaud m’enveloppa soudainement jusqu’à me faire frissonner. Je tendis la main vers la télécommande et mis en marche le dernier disque de Rumer, une artiste de jazz and soul à la voix envoutante.

Les caresses de Maïwenn me transportaient dans un autre monde. Un monde de douceur et de fantaisie, elle savait parfaitement comment me faire voyager. Le trajet ne fut pas long, nous arrivâmes ensemble sur les hauteurs.

J’aimais profondément Maïwenn et ne cessait de le lui dire, de le lui montrer.

Cela fera bientôt 25 ans que nos corps s’unissent sans jamais un soupçon d’envie d’aller voir ailleurs si le nectar y est meilleur.

«Nous nous étions connus alors que nous venions de fêter nos 24 et 21 ans.

Je ne me consolais pas d’une rupture amoureuse et elle fêtait l’obtention de son Master en droit.

Stephan, notre bon ami commun organisait cet été là un séjour de rencontres sportives.

Il insista pour que je vienne afin de me changer les idées et je finis par m’incliner. Je n’étais absolument pas sportif mais l’idée de me laisser porter quelques jours me séduisait.

Je quittai alors les tourbillons Rennais pour trouver une certaine quiétude costarmoricaine. Ma 205 commençait à manifester quelques signes de faiblesse et même avant-coureurs d’abandon, mais parvint cependant à me conduire à bon port.

Nous avions rendez-vous au château de Kergrist près de Lannion.

L’arrivée fut majestueuse. Il émanait de cet ancien manoir breton du XVème siècle une certaine sérénité.

Ce château est entouré d’un magnifique parc comprenant des jardins à la française et des jardins paysagés, un endroit où l’on se sent en sécurité, où il fait bon vivre.



Stéphan se tenait dans la cour d’honneur du château et expliqua ses attentes.

J’avais l’impression étrange, tout au moins le sentiment que la pierre me parlait tant les lieux étaient enchanteurs.

Le jeune châtelain nous fit une visite aux chandelles en nous narrant l’histoire du château et de ses nombreux habitants. Mon sang se glaçait, je frémissais, tout mon être vibrait en l’écoutant. Je me sentais bien entre ces murs, le temps s’arrêtait...

Notre hôte nous montra nos chambres, la surprise fut de taille : nous allions dormir dans des cabanes sur les faits d’arbres séculaires.

Cette découverte enthousiasma chacun d’entre nous.

Une flambée magistrale réchauffa nos premiers frissons nocturnes, nous dinâmes tranquillement et simplement, tout en faisant connaissance.

Alors que le dîner touchait à sa fin, cinq jeunes gens firent irruption et interrompirent notre brouhaha.

Une des jeunes filles se détachait et semblait faire sa mijaurée.

Le groupe s’excusa de son retard en prétextant une crevaison sur l’autoroute.

J’avais du mal à imaginer ces trois petites coincées accompagnées par ces deux garçons quasiment imberbes et qui semblaient terriblement proches, démontant et remplaçant le dit pneu crevé...

Je décidai de rejoindre mon antre et de m’envoyer en l’air dans les étoiles avec Morphée.

Des bruits de pas incessants troublèrent mon sommeil, j’en avais assez !

Ce n’étaient pas des petites effarouchées nantaises qui allaient faire leur loi. Le seul fait d’imaginer qu’une quelconque petite araignée puisse apparaître les faisait hurler de peur sans compter les bonds qu’elles faisaient au moindre bruit ou cri d’animaux suspect.

Je m’imposai et leur demandai instamment de se taire et de dormir. Ce qu’elles firent.

Je riais en moi-même en me disant que le pouvoir d’une voix masculine valait de l’or !!!

Pendant ces quelques jours, nous fîmes donc fonctionner nos têtes et nos jambes. Stephan avait raison : j’étais ailleurs, cela me faisait grand bien, j’oubliais Vanessa, ma douce Vanessa...

Le dernier jour, je proposai d’aller nous promener dans la région, en bord de mer, pour découvrir cette côte de granit rose si réputée. Ma «chambrée» se précipita en répondant positivement.

En plus de les supporter la nuit, je leur servirai de guide.... Allez, mon côté «bon samaritain» élevé chez les Jésuites, revint au galop et je leur dis de monter dans mon carrosse.

Nous longeâmes la baie de Trébeurden, les rochers roses apparurent.

Les grèves de sable blanc et fin se succédèrent et enfin nous arrivâmes à Trégastel, quel écrin de merveilles !

L’équipe était de charmante humeur, nous commencions à bien nous connaître et, finalement, à nous apprécier. Chacun parlait de ce qu’il aimait, de ce qu’il faisait dans la vie et de ses projets personnels.

Le soleil jouait à cache-cache mais l’air était doux, la journée était sans aucun doute propice à la promenade.



Les nantaises, Bénédicte et Maïwenn voulurent se baigner, pourquoi pas ? Nous nous arrêtâmes donc sur la presqu’île Renote.

Un rocher nommé le Dé domine l’anse. Comment un rocher pouvait-il tenir ainsi en équilibre sur un autre rocher ? Mystère que nos amis Korrigans ne nous ont pas expliqué durant ce séjour... Toujours est-il que le site était merveilleux.

Les filles commencèrent à se déshabiller et je fus happé par la beauté fulgurante de Maïwenn lorsque sa robe en mousseline blanche glissa sur sa peau que dorait un timide soleil.

Une beauté éblouissante… Elle détacha ses cheveux : une autre femme apparut en elle. Elle courut vers l’eau et se précipita «sans chichis» dans ce glaçon.

Elles étaient courageuses car la température de la mer n’excédait pas 16°. De vraies sportives bretonnes !

Le séjour se termina et je poursuivis mon début d’été requinqué par l’iode marin et des amitiés naissantes.

Mon travail de journaliste était plus ou moins en stand-by durant les périodes estivales, j’en profitais toujours pour m’adonner à mon passe-temps favori : les recherches généalogiques pour ma famille ou mes amis. Me connaissant féru et doué pour ces recherches, ces derniers n’hésitaient pas à me confier leurs requêtes.

La semaine qui débutait s’annonçait riche en évènements dont une soirée diapo organisée par Stephan retraçant nos exploits sportifs et nos meilleurs moments joviaux.

Je m’y rendais en me remémorant certains instants inoubliables...

Maïwenn se tenait sur la terrasse un verre à la main, ses cheveux dénoués voletaient dans le vent citadin. J’eus soudain un pressentiment, une vision de bonheur tranquille. Saurais-je le saisir ? Je sus alors que cette fille allait devenir ma femme. Je me dirigeai vers elle pour la saluer et passai la soirée à l’écouter. Je me noyais dans ses paroles : depuis ce jour, nous ne nous sommes plus quittés.»

Alors que Maïwenn dormait dans mes bras, je repensais à celle pour laquelle mon coeur battait la chamade depuis exactement six heures et douze minutes.

Pourquoi l’avait-elle invitée ?

Après tant d’années, mes sentiments n’étaient visiblement qu’anesthésiés, cet amour était indéfectible et nous perdrait Maïwenn et moi. Que faire, je n’avais pas de solution.

«J’avançais vers la maison, l’idée d’être enfin en week-end me détendait déjà. Nos enfants venaient pour quelques jours fêter mon anniversaire. Notre fille et notre gendre, Madalen et Gildas nous avaient annoncé que nous serions grands-parents dans quelques mois, nous nous en réjouissions. Quand à nos garçons Pol et Mathurin, ils s’apprêtaient à se fiancer à des jeunes filles tout aussi intelligentes que jolies. Nous formions donc une famille unie et heureuse, une famille où l’amour était omniprésent.

J’ouvrai la porte d’entrée et fus saisi d’un grand moment de solitude, un mur humain me regardait en chantant «Joyeux anniversaire Titouan». Quelques têtes inconnues me firent peur ; Alzheimer ou je ne les connaissais vraiment pas... ? Puis, soudain, mon regard se posa sur elle.

Je ne pouvais la quitter des yeux. Que de souvenirs remontaient à la surface ! Elle n’avait pas changé, je l’aurais reconnue n’importe où, à n’importe quel moment de la vie. Ma Vanessa, mon amour-passion.

Je m’approchai d’elle pour la saluer et elle me présenta d’emblée son mari, Alban.

Avait-elle peur que je ne me mette à parler de notre jeunesse ?

En lui disant bonsoir, une envie folle de la serrer dans mes bras me vint alors. Son parfum m’envoutait, son timbre de voix ample, chaleureux relevant d’une tessiture étendue ravivait vivement souvenirs soudains et lointains.

Parmi la centaine d’invités présents, je ne voyais qu’elle : elle brillait de mille feux. Avait-elle vu le changement brutal de mon attitude lorsque mes yeux aperçurent son visage ?

Pourquoi était-elle venue d’ailleurs ?

Elle savait qui elle venait voir, elle...

Moi pas, je ne savais rien... d’où ma surprise, ma stupéfaction.

J’essayai de l’éviter tout au long de la soirée. J’aimais Maïwenn, je ne me sentais pas capable de la tromper, de briser notre promesse.

J’eus l’impression que Maïwenn avait perçu de la gêne dans mon comportement, elle ne cessait de me regarder, soupçonneuse. Je fis donc très attention et allai de groupes en groupes…

La fête battait son plein, tout le monde dansait, mes amis et ma famille m’avaient considérablement gâté. Mais... je n’étais pas moi-même, ma tête tournait, ma vie vacillait, mon futur basculait.

L’Homme est faible.

Soudain, je me mis à chercher Vanessa des yeux, elle n’était plus dans mon champ de vision. Elle n’était tout de même pas partie... Je pris peur... ne plus la revoir... Non, son mari dansait et avait l’air de bien s’amuser. Maïwenn discutait ou dansait selon son envie ou son interlocuteur...

Je sortis et l’aperçus, elle fumait une cigarette seule, isolée du monde, à l’écart du bruit.

Je m’approchai doucement, lui demandai si tout allait bien. Elle me regarda, une larme coulait sur sa joue. Je ne pus m’empêcher de l’essuyer avec mon index mais celui-ci fut comme aimanté et se mit à caresser ce visage si suave que j’avais tant aimé.

Vanessa prit ma main, nous nous regardâmes comme au premier jour.

Nous traversâmes à toutes jambes le chemin qui nous séparait du bois, cette lisière qui séparait l’éphémère de la réalité.

Nous étions à fleur d’émotion, nos lèvres, dans la précipitation, se cherchaient ; il nous fallait rattraper vingt-sept ans en quelques minutes pour ne pas alerter quiconque de notre absence.

Quelques secondes suffirent à nous retrouver nus, sentir nos corps l’un contre l’autre, bassin contre bassin, nous étions ivres de bonheur, ivres de chaleur et jouissions jusqu’au vertige fatal.

Nous renaissions des cendres du chagrin en magnifiant notre amour suspendu.



Nous rejoignîmes les acteurs de la fête sans laisser paraître notre émotion et feignîmes de nous intéresser aux autres. Je réussis malgré tout à lui glisser mon numéro de téléphone avant qu’elle ne parte...»

Maïwenn se mit à bouger et se réveilla. Nous refîmes l’amour sans grande conviction, comme une pulsion, comme si nous savions que c’était la dernière fois que nous nous entremêlions.

Les jours qui suivirent furent extraordinairement beaux, extraordinairement riches en «re»découverte de l’autre, Vanessa m’accomplissait.

Les mois passèrent, je restais le même, rien ne transparaissait.

Maïwenn s’éloignait progressivement, je sentais une envie de m’échapper et commençais à culpabiliser.

Elle s’absentait tous les après-midi, je décidai de la suivre.

Son « escapade » me mena sur les bords de la Vilaine, plus exactement près du Parlement de Bretagne à l’Hôtel Angelina...

Maïwenn voulait se sentir libre, libre d’aimer… Tout avait été calculé, elle avait donc organisé sciemment mes retrouvailles avec Vanessa.

Notre couple était détruit, mort.

En agissant ainsi, elle oubliait que deux autres familles allaient éclater.

Ma petite effarouchée Nantaise s’était bien dévergondée et filait le parfait amour clandestin depuis près d’un an sans que je ne m’aperçoive de rien.

Elle ne se sentait nullement coupable d’adultère puisque moi aussi je la trompais...

ALBAN ET VANESSA

Alban se sentait heureux, cette soirée d’anniversaire lui plaisait, presque jusqu’à l’enchanter.... Il regardait en souriant son épouse Vanessa qui se trémoussait sur un rythme enivrant.

Il faisait bon ce soir-là, le soleil avait donné ce qu’il pouvait tout au long de la journée. On sentait réchauffés les coeurs de chacun et tous prêts à s’amuser.

Il y avait quelques mois, lorsqu’il avait reçu l’invitation à cette «birthday party», il avait à la fois senti une gêne et un soulagement. Alban pressentait bien les choses, il avait en quelque sorte, régulièrement, des intuitions ou des rêves prémonitoires qui se révélaient réels.

Lorsqu’il montra ce courrier à Vanessa, elle feignit d’avoir oublié l’existence de ce futur «roi de la fête». Et, après quelques minutes lança un mea culpa... Alban la connaissait bien depuis vingt ans et comprenait parfaitement son petit jeu.

Il faisait comme s’il ne comprenait pas.

Au début de leur relation, Vanessa parlait beaucoup de Titouan.

Le verbe oublier n’existait pas pour lui. Alban savait tout de lui.

Alban se mit à repenser à leur rencontre.

«Qui aurait pu imaginer un instant ce mariage quasi impossible entre Alban et Vanessa ? Lui non plus d’ailleurs...

…/…




C’était au début du mois de juillet, un restaurant rue de la Contrescarpe à Paris, une bande de copains fêtant le début des vacances estudiantines.

Ils arrivaient les uns après les autres et s’installaient donc au fur et à mesure à des places inoccupées. Alban venait de réussir son concours de commissaire-priseur et s'apprêtait à travailler dans un office parisien réputé. Vanessa, quant à elle, réussit avec brio son Master en communication mais aujourd’hui, elle ne pouvait manifester sa joie.

Elle venait de rompre sa relation plus qu’amoureuse avec Titouan, elle s’en mordait les doigts.

Le dîner était festif et bien arrosé.

Alban se sentit immédiatement attiré par cette jeune fille à l’air triste et méditatif. Qu’avait-il pu lui arriver pour qu’elle soit dans un état pareil ? Il fallait certainement que ce soit quelque chose de grave pour avoir une tête d’enterrement comme celle-ci.

Il décida de s’approcher d’elle, d’entamer une conversation, de faire connaissance, de la découvrir... et de lui faire passer une agréable soirée.

Il avait envie de la réconforter, de l’entourer de ses bras virils !

Alban n’était pas en quête d’amour, tout lui souriait en ce moment. Son métier le passionnait, la vie était belle, le gâtait et lui en savourait chaque miette.

Il était aimé de tous tant il était bon, doux et attentif envers chacun ; il était la coqueluche de toutes ces demoiselles, elles le voulaient toutes !

Sa culture artistique étendue impressionnait grand nombre de ses amis qui ne se lassaient de l’écouter parler aussi bien des statuettes aztèques que d’un tableau incompréhensible de Miro.

Vanessa le vit s’approcher et fut séduite par la douceur des traits de son visage. En même temps, elle n’avait aucune envie de discuter et fit sa mine renfrognée n'incitant pas à la discussion. Aux premières questions qu’Alban lui posa, elle ne répondit que par oui ou non, de manière évasive ou par de simples et courtes phrases. Au fond d’elle-même, elle priait pour que ce garçon s’en aille.

Titouan ne sortait pas de sa tête, pourquoi lui avait-elle dit d’arrêter leur relation ? Elle l’aimait, il l’aimait mais quelque chose au fond d’elle-même la fit douter quant à la pérennité de ses propres sentiments. Il lui fallait mettre à l’épreuve ses émotions, mais n’était-ce pas égoïste de sa part ? Elle se dit qu’après les vacances, au mois de septembre, elle reprendrait contact avec Titouan, il l’attendrait, elle le sentait.

Elle assumerait sa décision et vivrait l’instant présent.

C’était ainsi. Après ce dîner, Alban et elle échangèrent leur téléphone et adresse et se dirent qu’ils se reverraient. Alban savait à partir de ce jour que Vanessa serait sa confidente et qu’il ferait sa vie avec elle.

Il décida de laisser passer quelques jours avant de la recontacter.

Le jour «J» arriva, ils se promenèrent au jardin du Luxembourg et arpentèrent les rues environnantes.

L’après-midi passait à vive allure, leurs langues se déliaient, ils se découvraient l’un l’autre. Alban voyait indéniablement que Vanessa ne cesserait d’aimer Titouan mais il ne déclara pas forfait.»

Finalement cette invitation le soulageait presque, ils décidèrent de s’y rendre débordants d’alacrité et un cadeau en poche.

Vanessa devait jubiler et à la fois craignait cette rencontre. Même s’il est évident que Titouan avait parlé de leur relation à Maïwenn, comment allait-il réagir en la voyant ? Pourquoi sa femme les avait-elle invités, elle était au courant de cet amour de jeunesse mais elles ne s’étaient jamais rencontrées...


Qu’avait-elle en tête ? Titouan continuait-il à parler d’elle... si seulement...

Alban accueillait cette rencontre comme le Messie, pourquoi ?

Il aimait sa femme, mais comment l’aimait-il, de quel amour ? Comment s’aimaient-ils depuis vingt ans ?

Il imaginait tout à fait ces retrouvailles, quelque part il en rêvait et ce jour-là se présentait devant lui, ce soir...

Alban connaissait Titouan depuis des années sans que personne ne le sache, il pensait que Vanessa ne se doutait de rien. Chaque année, et ce depuis vingt ans, Vanessa louait pour les vacances hivernales un appartement à Courchevel. Que de souvenirs liés à cette station... Elle pensait qu’il n’y voyait que du feu... et pourtant... si elle avait su...

C’était en effet intelligent de sa part.

Emmitouflée dans sa combinaison et munie de lunettes de soleil, elle passait inaperçue, n’était reconnue de personne et surtout pas de ... Titouan...

Vanessa avait le plaisir de regarder, d’admirer l’être qu’elle aimait devant les yeux consentants de son époux.

Alban avait compris très vite ce manège.

D’ailleurs il était assez heureux, cela lui procurait une certaine jouissance de les voir évoluer sur cette neige immaculée. Titouan ne se doutait de rien. Notre instigatrice arrivait à ses fins sans jamais s’être fait découvert. Une telle constance serait un jour récompensée me disait-elle. Tout du moins il l'espérait pour sa délicieuse épouse.

Cet amour de jeunesse ne pouvait finir ni ne pouvait être enfoui.

Ce mariage entre Vanessa et lui n’était qu’une façade et finalement arrangeait ce «couple».

Sans en discuter, sans avoir décidé d’un commun accord de la vie qu’ils mèneraient, ils vivaient en parfaite osmose.

Ils l’avaient deviné tous les deux. Leur amour était devenu une amitié indéfectible.

Alban se souviendrait à jamais des yeux pétillants et de la liesse qui émanait du visage de Vanessa alors qu’elle et Titouan se voyaient ce soir-là après 20 ans de séparation.

Son rayon de soleil revivait, ils avaient beau butiner chacun de leur côté de groupes en groupes, leurs regards se cherchaient.

Comme Vanessa était belle ! Elle avait choisi sa plus belle petite robe noire décolletée laissant place à toute idée érotique. Il n’était pas insensible à son charme. La regarder danser l’enchantait, il la sentait heureuse, presque épanouie, enfin ! Après tant d’années, il découvrait la femme qui vivait à ses côtés.

Il se mit à danser auprès d’elle, il lui souriait, elle fit de même, il s’approchait, la prit dans ses bras, ils s’embrassèrent comme jamais ils ne l’avaient fait et lui susurrait à l’oreille de voler, de la quitter et de s’accomplir enfin...

Elle ne parut pas étonnée, le regarda et ferma les yeux en signe de reconnaissance et de soulagement.

Elle était lui et Il était Elle.

Il la laissait partir. Il regardait Titouan qui semblait apeuré, il la cherchait vraisemblablement. Il lui jeta un regard inquiet et sortit. Vanessa et Titouan se retrouvèrent comme au premier jour, il étaist heureux pour eux et pour lui.

Alban ne comprenait toujours pas les manigances de la femme de Titouan.

Afin de ne pas déranger ces retrouvailles, il décidait de s’occuper de Maïwenn afin qu’elle laisse les tourtereaux se redécouvrir.

Il comprit à l’instant, par un regard trop posé et qui en disait long, la raison de ce piège.

Un autre avait pris place dans sa vie, quelle petite ingénieuse...

Il fallait y penser, aller rechercher un amour de jeunesse et pousser son conjoint dans ses bras afin de lui faire porter la faute.

Mais au fait, qu’était-il en train de faire ?

Inconsciemment, il les aidait tous les trois.

Il réalisait qu’enfin il pourrait vivre au grand jour sa vie secrète, il téléphona immédiatement à Philibert pour lui annoncer cette liberté que celui-ci attendait depuis dix-huit ans.

L’ŒIL DE MADALEN

19h15, Gildas et moi-même arrivions enfin chez mes parents.

Maman organisait un anniversaire surprise pour les cinquante ans de papa.

La route m’avait fatiguée. Beaucoup de circulation à l’occasion de ce long week-end. Le beau temps s’annonçait enfin, les citadins en profitaient donc pour s’échapper de leur train-train quotidien.

Hélas, nous faisions parti de ceux-là.

Dans mon état, un rien prenait des proportions énormes et me mettait de très mauvaise humeur.

Alors doubler le temps d’un voyage m’irritait au plus haut point.

Mon cher amour ne conduisant pas, je me devais de le faire et d’arriver bien sûr à bon port, à l’heure, tout du moins avant les invités...

Nous formions, comme on dit, une famille unie, exemplaire. Mes parents avaient réussi leur vie de famille. Il y avait juste un mois, nous leur annoncions que nous attendions notre premier enfant : ils étaient fous de joie et impatients de faire la connaissance de leur future «petite progéniture» !

Maman nous accueillit donc ce soir de fête, tout semblait prêt. Les tables étaient dressées magnifiquement, les victuailles s’étalaient à l’envi et la piste de danse nous attendait.

Mon frère Pol fit les derniers réglages de la sono. Un air latino entrainant se fit entendre qui, soudainement, me mit en liesse et en forme.

Les invités n’allaient pas tarder à arriver. Tout semblait parfaitement géré.

J’admirais mes parents, leur amour me fascinait. Ma mère, Maïwen possédait cette allure élancée et distinguée qu’ont les femmes du monde, il se dégageait de son être un certain glamour et un magnétisme fascinant.

Quant à mon père, son élégance le trahissait laissant concevoir le milieu dont il provenait, son teint mat et buriné par le temps faisait de lui un cinquantenaire très séduisant.

La pièce était maintenant illuminée de sourires attendant avec impatience l’arrivée du quinqua.

Mes yeux balayèrent le panel et tout d’un coup fixèrent un visage familier. Où avais-je vu cette femme ?

Dans ma tête, tout se mit à se bousculer, des images que je désirais oublier revenaient rapidement et généraient en moi des questionnements innombrables et complètement fous. Tout revenait...

Pourquoi ? Que faisait-elle ici, chez nous ? Pourquoi Maman l’avait-elle conviée à cet anniversaire surprise ? Savait-elle ? Avait-elle fini par comprendre tout ce qui se passait depuis au moins 15 ans ?

Elle était chez nous ce soir et mon père allait la revoir après tant d’années. Elle avait réussi à rejoindre son Casanova...

Ce que je ressentais intérieurement en cet instant ressemblait davantage à de la mélancolie et une immense solitude, j’errais dans le néant.

Le passé resurgissait brutalement comme un diable de sa boîte.

Depuis plusieurs années, je ne passais plus de vacances avec mes parents.

Je détestais la montagne, ou plus exactement Courchevel.

Malheureusement, durant mon adolescence, aucun hiver ne se passait pas sans un séjour dans les hauteurs enneigées. Et là... pas un séjour sans rencontrer cette femme.


La première fois que je l’ai vue, tout en elle suscitait des interrogations.

Sa façon de se vêtir, emmitouflée, cachée sous son bonnet, m’amusait beaucoup. J’avais l’impression qu’elle tournait dans un film comique.

Plus les jours passaient, plus j’avais la certitude qu’elle nous suivait.

Chaque année, c’était un éternel recommencement : elle nous regardait. C’était indéniable. Moi, je la voyais, elle ne le savait pas tant elle était absorbée dans sa quête jusqu’au jour où...

Je n’en ai jamais parlé à mes parents ni à mes frères Pol et Mathurin, c’était mon secret, tout le monde a des secrets.

Je savais que j’avais transgressé les règles.

J’avais à peine 15 ans...

Alors qu’elle faisait la queue à la boulangerie de la station, je me décidai à aborder cette femme en la heurtant négligemment. Elle supposait donc qui j’étais... Pour s’excuser, elle s’empressa de me donner quelques chouquettes qu’elle tira de son sac. Bien entendu, les questions commencèrent à fuser, je répondai très évasivement. J’en posai à mon tour mais les réponses ne furent pas à la hauteur de mes attentes, je n’appris rien.

Cette année-là, nous déménageâmes. J’aidais maman à faire les cartons. Nous tombâmes sur de vieilles photos datant de leur adolescence. J’en profitai donc pour en savoir davantage et questionnait ma mère.

Elle n’avait pas changé, je la reconnus tout de suite et compris immédiatement. Elle s’appelait Vanessa, papa et elle s’aimaient furieusement jusqu’au jour où leur amour prit fin sans que mon père ne comprît la teneur de cette rupture.

Je connaissais la suite...

Maman arriva, puis nous : leurs enfants.

Cette femme était donc malade, malade d’amour.

Ce fut alors que je me mis à raconter à maman tout ce qui se passait à Courchevel depuis tant d’années.

Je compris à cet instant que rien ne serait comme avant, je venais de briser ma famille. J’étais tellement apeurée, le secret était très lourd à porter, je devais me délester de ce fardeau, mais à quel prix ?

Durant les années qui suivirent, maman continuait à vivre comme auparavant, seulement le doute d’un quelconque adultère devait l’envahir. En effet, elle se décida à engager un détective privé qui, évidemment lui démontra par a+b que son mari ne vivait rien d’illégal et n’avait donc aucune vie parallèle.

Elle mit de côté cette « drôle » d’affaire et décida même d’abandonner les vacances annuelles à Courchevel.

La vie à la maison était des plus agréables, nous grandissions et nous épanouissions dans un climat familial des plus heureux.

Les années passèrent, je m’envolais du nid. Je sentais que beaucoup de choses étaient en train de changer.

Maman se remit à travailler, pour le plaisir bien sûr car papa subvenait largement aux besoins familiaux même s’ils s’amenuisaient d’année en année.

Le comportement de maman changeait, se modifiait au fur et à mesure des semaines. Papa s’absentait régulièrement pour son travail mais lorsqu’il revenait, il retrouvait une femme épanouie, il s’en réjouissait.

Sa naïveté lui jouait des tours. Il ne s’en doutait évidemment pas.

De par son nouveau job, maman rencontrait beaucoup de monde.

Une autre femme était née. Elle se remit à prendre soin d’elle, s’inscrivit à un club de sport, s’habillait de façon plus jeune et dynamique.

Cette « nouvelle femme » semblait se plaire enfin, et visiblement devait plaire autour d’elle.

On ne fait jamais assez attention, c’est bien connu... ce qui devait arriver arriva...

J’étais décontenancée, abattue, triste, déçue.

Je me souviendrai toujours du jour où je l’ai aperçue puis reconnue.

Il faisait un temps merveilleux cette après-midi-là, très chaud, rester dans son appartement relevait de la pure folie.



Je pris donc la voiture et décidai de m’octroyer une demi-journée en bord de mer.

Cap sur St Malo, trois petits quarts d’heure après, ma serviette était étendue sur le sable malouin.

Les bretons avaient eu, eux aussi, cette même idée d'échappée, l’appel du large !

Quelle chance j’avais eu d’avoir pu terminer mon travail plus tôt que prévu...

L’eau était délicieuse et me rafraîchissait. Je nageais tranquillement en admirant la cité entourée de ses remparts.

Les touristes arrivaient déjà en nombre à cette époque de l’année.

La mer était à mi-chemin et ne recouvrait qu’une partie de la plage, laissant ainsi l’accès au grand Bé, grande attraction touristique pour les amateurs de Chateaubriand.

Soudain, un profil familier m’apparut... Non ! Je devais me tromper, ce ne pouvait être elle... Papa était aux Etats-Unis pour une semaine et maman m’avait dit qu'elle partait suivre une formation dans la Nièvre. Ce n’était donc pas possible !

Et pourtant... Ce couple main dans la main, riait, semblait extrêmement amoureux et très complice.

Je nageais en essayant de m’approcher sans me faire remarquer. Je devais vérifier mes soupçons pour répondre ainsi à mes interrogations.

Mon sang ne fit qu’un tour et se glaça tant j’étais anéantie. La femme qui se promenait avec cet homme n’était autre que ma mère… sauf que l’être à ses côtés m’était inconnu...

Ma mère... mon modèle...

Elle était si occupée quelle ne me vit pas, heureusement d’ailleurs, je ne sais vraiment pas comment j’aurais réagis face à elle.

Je ne pouvais la quitter des yeux. Ainsi, la mère que je vénérais transgressait toutes les règles du mariage et surtout réduisait à néant toute l’éducation qu’elle nous avait transmise.

Je ne savais que faire, j’étais désemparée, seule au milieu de cette mer franco-anglaise, prête à m’immerger pour oublier cette vision d’horreur et ses inévitables conséquences.

Je décidai donc de me taire et de rentrer illico sur Rennes. J’éviterais ainsi les bouchons de retour.

Ce fut, je crois la pire après-midi de ma vie.

Pourquoi étais-je la seule des enfants de la famille à constater cela, je veux dire remarquer la vie compliquée de ces adultes auquel j’appartenais dorénavant ?

Je repensais à cette espionne de Courchevel...

Et la voir là... devant moi... en face de moi... je ne comprenais rien... ou si... je comprenais tout, hélas !

Oh ! La perversité des adultes… et de ma propre mère.

FIN





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